L'estuaire de l'Adour a une longue histoire depuis Louis de Foix, surnommé le « voleur de l'Adour » par les habitants de Capbreton ruinés par la création d'un nouveau débouché du fleuve à Bayonne. Depuis cinq siècles le port de Bayonne lutte contre l'ensablement de son chenal. Depuis 60 ans, des travaux importants sur le littoral destinés à préserver le port, ont considérablement modifiés les courants marins aux abords de l'embouchure. En même temps et pendant des décennies on a commercialisé le sable qui s'accumulait à la Barre, en toute insouciance, ravi de trouver sur place un matériau gratuit que la mer renouvelait chaque année. Nous sommes les héritiers de cette histoire, et c'est avec elle qu'il nous faut composer. Le désensablement actuel des plages angloyes en est un nouvel épisode.Port et littoral ont destin lié.
Comment est actuellement géré le dragage du chenal du port de Bayonne?
Deux campagnes de dragage sont organisées chaque année, au printemps et à l'automne, avec une drague louée par la CCI, gestionnaire du port pour le compte de la Région (1). Une partie de ce sable est clapé (c'est à dire déposé) devant les plages d'Anglet pour lutter contre leur recul, le reste est largué au large. Or on sait qu'une bonne partie de ce sable provient de nos plages qu'un courant sud-nord vient éroder avant de le déposer dans le chenal et la fosse de garde (2) du port.
Quand dans les années 80 on a constaté le recul accéléré du littoral d'Anglet, on a massivement clapé devant les plages le sable dragué, permettant de reconstituer le stock sédimentaire. Le port disposait à l’époque d’une drague à demeure. En 2004 on a accusé, sans preuve, ces clapages d'être à l'origine d'une pollution accidentelle, et on les a interrompus. Le résultat ne s'est pas fait attendre: le stock sédimentaire est revenu à son plus bas niveau des années 80 et nos plages sont menacées. Leur profil s'est creusé, provoquant un « shore break » dangereux .
Dès notre arrivée à la mairie d’Anglet, en 2008, nous avons ouvert ce dossier.
Mais avant de reprendre les clapages côtiers il fallait nous assurer de la qualité bactériologique et chimique des sables dragués, puisqu’ils avaient été accusés de polluer, et mettre en place un protocole nous assurant de cette qualité tout au long du processus de dragage-clapage. Les clapages ont pu reprendre à l’automne 2010, avec un contrôle rigoureux de la qualité des sédiments. Depuis les campagnes se sont succédées et les volumes déposés devant les plages n’ont cessé d’augmenter pour atteindre 211 000 M3 en 2012, soit 60% des volumes dragués (3). Un calcul tout simple nous permet de constater que 40% des sables sont cependant rejetés au large, l’importance de la houle ne permettant pas toujours à la drague de s’approcher au plus près du littoral. On voit là les limites du dispositif. Nous sommes largement dépendants de l’état de la mer lorsque la drague est à notre disposition. On peut penser qu’il sera difficile de faire beaucoup plus avec les moyens actuels. Or les volumes aujourd’hui clapés sont sans doute insuffisants pour stabiliser le stock sédimentaire devant nos plages.
Comment améliorer le dispositif pour retrouver les volumes bien supérieurs clapés dans les années 80 ?
Il y a plusieurs possibilités.
La première est de disposer d’une drague tout au long de l’année, ce qui suppose un investissement lourd de la part du propriétaire du port en charge des dragages, la Région Aquitaine. Le Maire d’Anglet a écrit à son Président, Alain Rousset, pour lui dire qu’il soutenait fermement un tel achat, actuellement à l’étude. Pouvant draguer tout au long de l’année, le port pourrait optimiser les opérations en fonction de l’état de la mer et claper la quasi-totalité des sables sains devant nos plages donc ne plus larguer au large. Le clapage, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui en complément du dragage du chenal du port est efficace et bon marché; le surcoût par rapport à un rejet au large est facturé 0,10 euros du m3, soit 21 100 € pour la campagne 2012. A rapprocher du coût de l’entretien des digues : 600 000 € pour reprendre le musoir de la digue de Marinella en 2011.
La deuxième possibilité est de récupérer les sables déposés au large depuis des décennies, à plus de 30m de profondeur. Nous allons officiellement saisir le Président de l’Observatoire de l’estuaire de l’Adour, le Conseiller Régional Matthieu Bergé, pour lui demandes de commander des études chargées d’examiner la faisabilité et le coût d’une telle opération. Cela suppose sans doute un matériel spécifique et des financements lourds. Sans parler du nécessaire "permis minier" qu'il faudra obtenir.
La troisième possibilité est de déposer à terre le sable qui ne peut – pour diverses raisons - être clapé devant les plages, pour le reprendre ensuite et l’amener sur place. Là aussi il convient de chiffrer cette solution que préconise le Grenelle2 de préférence au largage au large. Nous saisirons également l’Observatoire de l’estuaire pour qu’il conduise une étude sur ce point.
Il faut être conscient des enjeux.
Préserver nos plages est un enjeu économique et environnemental majeur. Il faut donc se donner les moyens de le traiter au mieux. L’acquisition d’une drague à demeure par le port est certainement une bonne solution. Les techniques qui consistent à aller chercher le sable au large, ou à le déposer à terre sont certainement très couteuses, mais pourraient être utilisées en complément. IL appartiendra donc aux élus de choisir en toute connaissance de cause, quand l’Observatoire de l’Estuaire aura conduit toutes les études.
La volonté de la municipalité de traiter efficacement le désensablement de notre littoral est forte. Nous avons repris les clapages malencontreusement interrompus par nos prédécesseurs. Nous souhaitons les renforcer car ils ne sont peut-être pas suffisants. Nous avons alerté l’opinion sur ce sujet par une exposition publique gratuite de 6 mois à la Barre, en 2012. Nous poursuivons le dialogue avec les associations qui s’intéressent à cette question. Nous avons marqué notre opposition à toute commercialisation du sable dragué. Aujourd'hui, nous travaillons avec l’agglomération, la Région et la CCI pour trouver les meilleures solutions pour l'avenir.
(1) la Région est propriétaire du Port de Bayonne depuis la réforme portuaire de 2006.
(2) La fosse de garde a été creusée à l’embouchure pour préserver le chenal. Une bonne partie du sable arraché au littoral par les courants s’y dépose. On estime qu’une part importante de ce sable vient des plages angloyes.
(3) La campagne du printemps 2013 qui vient de s'achever a donné les résultats suivants: 168 000 m3 de sable dragué, dont 137 000 m3 de sable clapé devant les plages (soit 82%), le reste étant rejeté au large.