Au cours du conseil municipal du 11 février, M. Ithurbide, représentant d'Angeluzain, a posé une question
orale au maire d'Anglet sur ses projets d'urbanisme, l'interrogeant sur sa vision de la ville, la densification, les hauteurs autorisées, le devenir de l'ancienne nationale 10 ou du
boulevard du BAB. On lira ci-dessous l'essentiel de la réponse de Jean Espilondo.
" - A la question orale d’Angeluzain, je vais apporter une réponse un peu longue – et je m’en excuse par avance- car
elle touche à un domaine capital pour le devenir d’Anglet.
1 - De la densité et de la ville.
La question de la densité que vous posez est importante et délicate.
Importante car on ne peut continuer aujourd’hui à consommer des terres, en particulier des terres agricoles, autour de nos villes, pour permettre l’étalement urbain. On ne peut continuer à rejeter en périphérie, parfois très loin, les jeunes actifs qui ne trouvent plus à se loger dans les agglomérations, ce qyui a des conséquences catastrophiques pour leur budget essence et pour le bilan carbone. Il faut construire la ville sur la ville, donc accepter de se serrer un petit peu.
Délicate aussi car pour nos concitoyens, la densité est synonyme de promiscuité, d’encombrements, de nuisances de toutes sortes, et au final d’insécurité. Il faut donc expliquer, et expliquer encore, qu’une densité raisonnable, intégrée dans un urbanisme réfléchi et contrôlé, crée de l’intensité urbaine c'est-à-dire qu’elle permet de rapprocher les services publics et les commerces des utilisateurs, qu’elle suscite des occasions de rencontre, qu’elle génère au final de l’urbanité, c'est-à-dire un « vivre ensemble » de qualité.
Oui, il va falloir que notre ville accepte d’être un peu moins dispersée, et il va falloir « intensifier » certains secteurs, dans le respect des formes urbaines existantes, pour qu’Anglet se développe harmonieusement.
2 – construire des logements, une impérieuse nécessité.
Je rappelle quelques chiffres, qui commencent à
être connus.
àEn dix ans nous avons gagné 4000 angloys supplémentaires, mais perdu 500 élèves dans nos écoles, soit 20% des effectifs,
alors que dans le même temps la cohorte des moins de 15 ans restait stable sur le pays basque.
logement social à Anglet
àNous avons 7000 demandes de logement social sur l’agglomération, 2000 sur Anglet.
à94 % des logements construits ces dernières années ne sont accessibles qu’à 20% de la population, ce qui revient à dire qu’on n’a pratiquement pas construit, ou très peu, pour 80% de nos concitoyens.
Ces chiffres, et je le dis sans esprit de polémique car le Président de la Communauté d’agglomération y a fait référence lui-même, c’est le bilan de la municipalité
sortante, c’est votre bilan. Et il est catastrophique.
Pour inverser la tendance de ces dernières années, il faut donc construire, et construire pour tous. Les mesures fiscales et réglementaires que nous avons prises depuis notre arrivée à
la mairie vont porter leurs fruits. Il est dommage que vous ne les ayez pas pleinement soutenues par votre voix. Je pense être en mesure, dans quelques semaines, de faire le point publiquement
sur ce dossier capital.
3 – Ou faut-il construire à Anglet?
Une fois admis qu’il faut construire à Anglet se pose la question : OU ?
Nos réserves foncières sont limitées car les municipalités précédentes ont peu investi dans l’achat de terrains. Il nous faut construire la ville sur elle-même avant de l’étaler encore. Et il est des secteurs qui peuvent et doivent être densifiés. Je pense en particulier aux rives de la RD 810 (ex nationale 10) et du boulevard du BAB. Car urbanisation et mobilité doivent être pensées de pair, et il faut privilégier pour cette urbanisation les abords des lignes de bus en site propre.
Ce qui nous amène à évoquer le devenir de la RD 810 et du boulevard du BAB.
4 - La RD 810 tout d’abord.
à La création d’une voie réservée aux bus, qui anticipe la réalisation de voies en site propre pour les transports en commun, marque notre volonté forte de transformer cette voie de transit en boulevard urbain. Cette initiative, que l'opposition municipale n'a pas franchement soutenue, a provoqué des inquiétudes compréhensibles de la part des commerçants. En collaboration avec eux nous avons examiné diverses améliorations du dispositif qui aujourd’hui fonctionne de manière satisfaisante. La hausse de la fréquentation du Chronobus et des stations sur le Busquet est de 17%. Si j'en crois la presse, le chiffre d’affaire des commerces riverains pour la fin de l’année 2009 a été bon, de l’avis des intéressés eux-mêmes. Nous nous en réjouissons.
Nous travaillons aujourd’hui avec le SMTC et la CABAB pour qu’un vrai TCSP (transport en commun en site propre) voit rapidement le jour entre Saint-Jean et le Cadran, avec une emprise du domaine public de l’ordre de 35m, sachant qu’à terme, un bus empruntera ce tronçon toutes les trois minutes. Les voies dédiées aux bus seront-elles placées de chaque coté de la rue ou en position centrale ? Cette dernière solution a aujourd’hui notre préférence mais les études qui seront conduites nous diront si cette solution est la plus pertinente.
à Aujourd’hui, l’environnement bâti de la RD 810 ne peut nous satisfaire. La zone du Busquet, pourtant récente, relève d’une urbanisation de banlieue, avec une succession de bâtiments-boites, de faible hauteur, à vocation exclusivement commerciale, sans mixité des fonctions. C’était votre choix. Le notre est à l’inverse de créer un boulevard urbain, bordé de bâtiments plus hauts, mixant les fonctions tertiaire, de commerces et d’habitation. C’est ainsi qu’on fait de la ville, en refusant de spécialiser les secteurs et en recherchant la qualité architecturale.
Vous nous proposer d’accepter des permis de construire pour des bâtiments de 7 à 8 étages. Pourquoi pas ! Mais le PLU que vous avez adopté il y a six ans nous l’interdit aujourd’hui ! cela mérite qu’on y réfléchisse, et nous y réfléchissions avant même notre élection en 2008. Je constate d’ailleurs que les bâtiments construit dans ce secteur avant les années 2000 ont huit niveaux. Avant de défaire ce que vous avez fait, et d’autoriser des hauteurs plus importantes – ce qui nous semble inévitable et même souhaitable, nous prenons le temps de la réflexion et nous avons donné mandat à M. Charrier, un urbaniste qui a déjà travaillé sur la nationale et ses abords, pour qu’il nous aide à définir un devenir pour ce quartier, de Montaury à la Mairie, du Busquet à Saint-Jean, qui a vocation à être le centre de l'agglomération.
Le problème des hauteurs ne se pose pas seulement
sur la nationale 10 . C’est une question qui doit être étudiée sur l’ensemble du territoire communal. S’ il nous parait nécessaire de limiter les hauteurs au milieu des zones
pavillonnaires pour éviter les vues plongeantes et ne pas rompre une unité architecturale, il nous semble dangereux, du point de vue environnemental, de limiter pour des raisons idéologiques les
hauteurs dans des zones qui pourraient supporter des bâtiments plus hauts. C’est l’environnement naturel et bâti qui doit guider le choix du nombre d’étage. Prenons un exemple : celui des
Vergers d’el Hogar.
Sur ce terrain, le promoteur a voulu utiliser son droit à bâtir donné par le PLU. C'est légitime. Comme la hauteur des bâtiments est limitée à deux étages il a étalé six bâtiments sur le terrain.
Avec les parkings nécessaires à l’opération il a minéralisé toute la surface du sol et il ne reste plus d’espace vert. Ce qui est en cause ici ce n’est pas l’architecte ni le promoteur, mais le
règlement du PLU. Si celui-ci avait autorisé quatre étages, trois bâtiments seulement auraient été nécessaires. Cela n’aurait gêné personne, car en les implantant du coté du parc public d’el
Hogar et de la rue de Hausquette on aurait remplacé les trois bâtiments qui surplombent aujourd’hui les maisons individuelles au nord par un magnifique espace vert. Les riverains auraient été
gagnants. Le promoteur et les acheteurs aussi car le coût de l’opération, donc le prix de vente aurait été plus faible : moins de toiture, moins de fondations, moins de canalisations, moins
d’ascenseurs… pour le même nombre de logements. Il ya une gestion intelligente des hauteurs, respectueuse des
riverains et de la nature : il nous appartiendra de le prouver.
à Revenons à l’ex RN 10.
Sans attendre, nous avons engagé les études pour réaliser sur le terrain mitoyen de FIAT, que la CABAB nous cède, un immeuble de logements sociaux, avec en rez-de-chaussée une galerie commerciale. Nous aurions aimé coupler ce projet avec le terrain FIAT pour réaliser une opération plus ambitieuse. Nous n’avons pas pu obtenir l’adhésion du propriétaire. Mais nous entendons bien maitriser le devenir de cette parcelle.
à L’avenir commercial de la zone est en débat. Conçu à l’origine sur le modèle de la banlieue, le secteur aujourd’hui est en mutation. Placé au cœur de la ville, il a vu sa zone de chalandise se réduire à cause des difficultés d’accès. Désormais, comme dans tout centre-ville, les clients ne viennent plus seulement en voiture mais utilisent de plus en plus les transports en commun. Il faut accompagner cette mutation en renforçant les surfaces commerciales, en les diversifiant et en modifiant les accès. Renforcement des transports en commun (trois lignes de bus en site propre vont la desservir), ouvertures de circulations piétonnes et cyclistes, construction de logements pour créer un vrai quartier, avec sa vie propre… voilà quelques axes de travail sur lesquels nous avançons.
5 - Le boulevard du BAB
Il me faut évoquer maintenant le boulevard du BAB.
La aussi il nous faut gérer quelques coups partis.
Nous souhaitons transformer la voie rapide actuelle en boulevard urbain. Le défi est difficile à relever car cette voie remplit une mission de liaison entre les trois villes qui ne peut être ignorée. Un transport en commun en site propre devra y être réinstallé, plus d’un demi-siècle après la suppression du tramway !
Sur notre demande, la CABAB vient de lancer une étude pour la requalification du boulevard, de Matras au carrefour du Mousse. Nous attendons les résultats de cette
étude avec attention et en tirerons les conclusions qui s’imposent pour Anglet.
La densification des rives du boulevard est inévitable, mais il est important de la maitriser ; On peut regretter que dans cet esprit, la création d’un nouveau quartier de plus de 500
logements sur le site de Baby-relax ne se soit pas accompagnée d’une réflexion plus globale sur son insertion urbaine, ses conséquences sur la circulation avoisinante, et son impact
environnemental.
Le nouveau quartier sur le site Baby-relax
6 - le projet de ville et le PLU
Tous ces projets s’inscrivent dans une démarche plus globale. Nous
avons mandaté pour nous accompagner dans notre réflexion une équipe d’architecte, le cabinet OBRAS qui travaille sur un projet de ville. Dans les semaines qui viennent les angloys seront amenés à rencontrer OBRAS pour partager leur propre vision du devenir d’Anglet. OBRAS
rendra son travail au début de l’été. Nous présenterons aux angloys ce projet de ville, sans doute pendant l’automne, pour prendre leur avis avant la rédaction du PADD et du règlement du PLU. L’objectif étant bien sur de se doter d’un nouvel outil,
un règlement d’urbanisme rénové, qui nous donnera les moyens d’agir dans la direction que nous aurons ensemble préalablement définie.
7 - Tisser la ville jour après jour.
Car la ville se tisse jour après jour, au fur et à mesure que naissent et se concrétisent divers projets urbains, d’initiative publique ou privée.
Pour ce travail de bénédictin, nous nous efforçons d’adopter une démarche globale, participative, respectueuse de l’environnement urbain et naturel.
Prenons l’exemple des terrains Hirigoyen, rue de Jouanicot, où nous allons réaliser une opération sociale combinant logements locatifs et accession sociale à la
propriété. Je vous informe au passage que nous en sommes propriétaires depuis huit jours.
Nous avons déjà engagé un dialogue avec les riverains. Nous leur avons expliqué notre volonté de bâtir sur ces terrains dans le respect de l’environnement. L’objectif est bien de construire un
quartier vivant et solidaire où les nouveaux venus vivront en bonne intelligence avec les résidents anciens. Les hauteurs des bâtiments et les ombres portées, les accès, les déplacements
piétonniers et cyclables, les espaces verts à préserver, la vie quotidienne dans le quartier, ont été évoqués.
la résidence les Bleuets vue du terrain Hirigoyen
Car le projet, ce n’est pas seulement des logements à créer, il doit modeler les abords immédiats du bâtiments, sur et autour des terrains à bâtir, pour un meilleur fonctionnement du
quartier. Cette concertation se poursuivra car il est important que les habitants se sentent partie prenante de l’avenir de leur morceau de ville.
Cette démarche, qui associe les angloys à leur devenir pour qu’ils soient en mesure de mieux accueillir les nouveaux venus, pour traiter l’ensemble des problèmes qui se vivent au quotidien, sera systématiquement la notre pour tout projet d’une certaine ampleur. Cette pratique, en
rupture elle aussi avec le passé récent de notre cité, nous la conduirons avec conviction et, nous l’espérons, avec votre participation.
Les deux terrains Hirigoyen: le terrain de la rue de Truillet vu du terrain de la rue de Jouanicot.
8 – une volonté politique.
Nous avons la volonté de mettre en œuvre cette politique que je viens d’esquisser devant vous. Vous nous dites en introduction à votre
question : « Construire une ville suppose une vision, de l’argent, du temps, une acceptation de la
population ».
La vision, nous avons l'outrecuidance de penser que nous l’avons, j’en ai partagé un peu avec vous, dans le peu de temps dont nous disposions ce soir.
De l’argent ? … vous savez aussi bien que moi que l’argent public est rare mais nous l’utiliserons au mieux pour un dossier prioritaire à nos yeux.
Du temps ? Nous espérons que les angloys nous le donneront, il en auront le pouvoir dans quatre ans.
Quant à l’acceptation de la population elle passera par le travail d’explication que nous conduisons au quotidien dans les multiples rencontres et les réunions de concertation que nous organisons autour des projets les plus importants.
Nous sommes heureux de voir, par les questions que vous posez, que vous partagez aujourd’hui bon nombre de nos analyses : nous ne doutons pas que vous soutiendrez à l’avenir par vos votes l’action en profondeur que nous avons engagée pour construire une ville plus belle et plus solidaire.