Jean-Pierre Voisin, adjoint au maire d'Anglet de 2008 à 2014 en charge de l'urbanisme, livre ici son point de vue sur les dossiers locaux et dialogue avec les angloys. Ses propos n'engagent que lui-même.
La venue d'IKEA à Bayonne était à l'ordre du jour du conseil communautaire de la CABAB, le 18 décembre dernier.
Un conseil particulièrement intéressant qui a donné lieu à de vrais débats.
Je suis intervenu, au nom de la ville d'Anglet, sur la question relative à la révision du PLU de Bayonne, nécessaire pour l'installation d'IKEA sur le site d'Ametzondo. L'installation d'IKEA est en soi une bonne nouvelle. Mais IKEA ne vient pas seul et aménage à ses cotés une zone commerciale avec grande surface alimentaire et galerie commerciale. Et c'est ce qui inquiète les élus d'Anglet. Car selon le type des commerces qui s'installeront au coté d'IKEA, les commerces existants sur l'agglomération seront gagnants... ou perdants.
Voici mon propos devant le conseil:
" La ville d'Anglet se réjouit de la venue d'IKEA dans l'agglomération et vote donc cette délibération [relative à la révision du PLU de Bayonne]. L'arrivée d'IKEA va en effet attirer dans notre agglomération une clientèle nouvelle, grâce à sa zone de chalandise de 150km de rayon.
Pour que l'effet IKEA joue à plein, il faudra inciter les visiteurs à rejoindre le coeur de l'agglomération. De ce point de vue il importe de ne pas proposer autour du magasin phare de la zone, IKEA, des commerces qui fixeraient sur place les clients et les dissuaderaient de venir en ville. Pour parler clair, pourquoi iraient-ils dans les commerces de nos coeurs de ville, à Bayonne, Anglet ou Biarritz, s'ils trouvent sur place, à Ametzondo, les mêmes commerces que ceux que nous leur proposons ailleurs? Pour accompagner IKEA, il faut développer, comme à Brest par exemple, des moyennes surfaces consacrées à l'aménagement de la maison et refuser clairement une galerie marchande concurrente directe de nos commerces existants.
Au moment ou nous voulons lutter contre l'étalement urbain en "intensifiant" nos centres villes, avec des commerces dynamiques et des services toujours plus nombreux, bien desservis par des bus en site propre - et on a vu tout à l'heure l'effort financier important que nous y consacrons- il ne faut pas fragiliser les activités existantes dont chacun apprécie les qualités.
Nous comptons sur la vigilance du maire de Bayonne, en charge de ce dossier, pour orienter comme il convient la zone commerciale d'Ametzondo autour d'IKEA. Nous sommes persuadés que comme nous, il sera un défenseur attentif de nos commerces de centre-ville."
A la suite de ce préambule, un large débat s'est instaurer pour souligner les risques de voir s'implanter à coté d'IKEA une galerie qui concurrencerait directement les commerces existants, en particulier au centre de Bayonne et à Anglet, autour de l'ex RN 10 et BAB2. Pour attirer l'attention aussi sur les risques écologiques liés à l'installation de ce complexe commercial dans une zone humide fragile. Le Maire de Bayonne a affirmé être attentif à ces questions. Les élus d'Anglet suivent tout particulièrement ce dossier, et veilleront à ce que soient préservés les intérêts du commerce de centre-ville.
Pourquoi la présence d'IKEA est un atout pour l'agglomération?
IKEA va attirer une clientèle nouvelle, puisque sa zone de chalandise va bien au-delà de la zone habituelle d'influence de l'agglomération, avec un rayon de l'ordre de 150 Km. L'implantation du magasin, au carrefour des deux autoroutes desservant le littoral basque est de ce point de vue tout à fait pertinente.
Pourquoi n'est-il pas souhaitable qu'une galerie marchande s'installe au coté d'IKEA?
Sur le plan commercial, il nous semble que nous sommes parvenus, sur le BAB, à un équilibre. On peut envisager d'améliorer l'offre commerciale, en la diversifiant et en renforçant le coeur de l'agglomération. Mais installer en périphérie une grande surface alimentaire et une galerie marchande directement concurrentes du centre-ville de Bayonne, de BAB 2 et des commerces angloys (Biarritz serait sans doute moins touché, quoique...) est de nature à déstabiliser l'existant sans offrir une réelle plus-value aux consommateurs. Car il est évident que la présence en entrée de ville de ces nouveaux commerces - mais il n'y aura pas ou très peu de nouvelles enseignes - va se traduire par une baisse de fréquentation des commerces existants.
On nous explique qu'on va installer des navettes pour relier Ametzondo à la place de la Liberté. Et qu'ainsi les clients d'Ikea pourront gagner Bayonne et ses commerces. Mais Bayonne n'est pas tout le BAB, et cette place est bien éloignée d'Anglet et Biarritz. Quelle sera l'efficacité d'une navette payante, qui ne pourra pas être en site propre sur la plus grande partie de son parcours? et qui fonctionnant dans les deux sens conduira aussi la clientèle bayonnaise vers Ametzondo.
En fait, Ametzondo, parfaitement situé pour la clientèle d'IKEA est difficilement compatible avec un aménagement commercial et urbain prenant en compte les impératifs du développement durable. Je ne parle pas ici des problèmes hydrauliques liés au site mais à sa localisation par rapport à l'agglomération. Car Ametzondo, de l'autre coté du noeud autoroutier est difficilement accessible à partir du centre. Deux routes possibles: Par Cam de Prats et saint-Pierre d'Irube, ou par les quais de l'Adour. Tous ceux qui connaissent les deux chemins savent combien ils sont embouteillés, souvent étroits, peu accessibles aux piétons et cyclistes, et mêmes aux transports en commun. Les clients potentiels venant de l'agglomération devront utiliser leur voiture. Au moment ou on prend conscience des dangers d'étaler la ville, on peut donc se demander si Ametzondo est un site pertinent.
D'un point de vue strictement commercial il nous semble que la zone de chalandise hors agglo, couverte par Ametzondo, c'est à dire la vallée de l'Adour, n'est pas la plus peuplée, même si elle se développe. Certes, le lieu est directement relié au sud des Landes, donc facilement accessible pour le nord de l'agglomération. Mais les projets de Ondres et de Saint-Géours réduisent singulièrement le potentiel de ce coté là.
Pour toutes ses raisons, nous souhaitons fortement l'arrivée d'IKEA mais nous nous opposerons à une zone commerciale qui se positionnerait en concurrente directe des commerces existants. Le concept IKEA se suffit à lui même.
Annoncée pour 2009, puis 2013, l'ouverture d'IKEA est programmée aujourd'hui pour 2014. Les commerces associés ouvriront-ils en même temps? Il semble qu'Inter-Ikea éprouve quelques difficulté sur Avignon et Caen, ou les magasins IKEA ouvrent seuls, les galeries associées étant retardées. Problème de commercialisation?
Saint-Geours, Ondres et autres lieux...
L'opération d'Ametzondo c'est 70 000 m2 de surfaces commerciales, l'équivalent de deux BAB2.
Au nord, dans les Landes, on nous annonce 80 000 m2 de surface commerciale à Saint-Géours de Maremne et 80 000 m2 à Ondres. On peut supposer que l'un de ces deux projets au moins va sortir. Le dynamisme démographique du sud des Landes attise les convoitises. Et Boucau poursuit les études pour son projet à proximité immédiate de la nationale 10.
Dans l'agglomération, on annonce 6000 m2 sur la Tête de Pont, Unibail propose d'agrandir la galerie commerciale de BAB2 de 11 000 m2, Leclerc s'installe à la Négresse et voudrait agrandir son magasin d'Anglet...
Ou va-t-on?
Face à cette folie immobilière, la communauté d'agglomération est démunie. C'est la raison pour laquelle j'ai pesé, en tant que délégué à l'urbanisme, pour que soit lancée une étude qui devrait lui permettre d'élaborer un document d'urbanisme commercial. Nous aurons ses résultats courant 2011. Jean Grenet a rappelé en conseil d'agglomération qu'il avait demandé, en 2000, une telle étude au président de l'époque l'angloy Alain lamassoure; sans suite. Aujourd'hui nous payons le manque d'anticipation de cette période. Dans ce contexte, il s'agit pour l'élu angloy et communautaire que je suis, d'avoir des idées claires et beaucoup de détermination.