A la suite des violences inqualifiables de saint Aignan commises par des gens du voyage, le gouvernement a choisi de stygmatiser toute cette communauté, mettant dans le même panier des populations qui n'ont rien de commun.
Quel lien y a-t-il en effet entre des français "de souche" - leurs ancêtres sont arrivés sur notre sol au alentour du XV ème siècle - qui exercent une activité stable, souvent sédentarisés, et les groupes de roms roumains, chassés de leur pays par des pogroms, et qui s'entassent dans des bidonvilles en région parisienne ou à Saint-Etienne, sans revenus et sans papiers car rejetés de tous?
En montrant du doigts "les gens du voyages" et en annoncant des mesures ciblées contre ceux-ci le gouvernement à un comportement indigne et irresponsable.
Indigne, car il pratique la politique du bouc émissaire, dont chacun sait sur quels ressorts elle s'appuie - haine de l'autre, refus de regarder en face ses propre responsabilités, violence du fort au faible.
Irresponsable, car il laisse supposer qu'il y a plusieurs sortes de citoyens, et des lois à géométrie variable en fonction de la population ciblée. Faut-il rappeler que la République est une et indivisible, et que la loi s'applique à tous, sans distinction d'origine, de sexe ou de classe sociale.
A Saint-Etienne, on expulse...
Mais l'actualité récente illustre malheureusement l'incohérence de la politique suivie.
A Saint-Etienne on expulse brutalement des roms de leur campement , sans leur proposer une solution de relogement, ce qui veut dire qu'on ne traite pas le poblème au fond. Chacun sait que les roms reconduits dans leur pays seront de nouveau sur notre territoire dans quelques semaines. Les autres, errants aux marges de nos cités, refonderont demain le bidonville qu'on vient de détruire. Car ils n'ont pas d'autres choix. Détruire un bidonville n'est pas traiter le problème, c'est le déplacer simplement. C'est abuser l'opinion par des rodomontades. C'est aussi faire peu de cas de la souffrance de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants, qu'on malmène sans le moindre respect, et sans les aider à trouver une solution digne.
... à Anglet on n'expulse pas
A Anglet, d'honnêtes citoyens - ils sont français, commerçants pour la plupart et ils participent à une mission évangélique - occupent illégalement un terrain de sport municipal, le terrain de Girouette. Ils y sont rentrés par effraction, détruisant le portique qui leur en interdisait l'accès, fort agressifs vis-à-vis des policiers municipaux. Les faits sont avérés, ils ont été filmés.
Depuis deux ans la municipalité d'Anglet s'est beaucoup battue, y compris contre une partie de l'opinion publique, pour qu'une aire de grand passage soit mise à disposition des gens du voyage. Aujourd'hui cette aire existe et peut accueillir 200 caravanes.
La loi, rien que la loi...
Petit rappel historique: Jusqu'en 2008, il n'y avait pas d'aire de grand passage sur le B.A.B., ce qui mettaitl'agglomération en infraction par rapport à la loi qui lui imposait d'en mettre une à disposition des gens du voyage. Lorsque des caravaniers s'installaient sur un terrain la collectivité ne pouvait agir car elle ne respectait pas la loi. La nouvelle municipalité, soucieuse de traiter le problème au fond, a proposé un terrain sur son territoire, au lieu dit "Larrue de bas". Malgré l'opposition très forte de riverains (au demeurant situés à une distance raisonnable du terrain) , le préfet avait validé le site. Las, L'UMP angloye s'était mobilisée contre ce projet. En outre, nombre des protestataires résidaient à Arcangue, commune résidentielle voisine. Certains étaient influants; leur commune appartient à la circonscription de Mme Alliot-Marie. Résultat: L'intervention de celle-ci, par dessus la tête du préfet, a fait échouer le projet.
La CABAB, malgré tout, à cherché une autre solution. Des terrains provisoires ont été trouvés, en 2009 puis en 2010: la collectivité publique respecte la loi. Enfin! Elle est donc en mesure d'exiger que les gens du voyage la respecte aussi. C'est ça la République:Sa loi s'impose à tous.
Or le tribunal administratif vient de casser l'arrété du Préfet qui les mettait en demeure de partir. Les gens du voyage peuvent rester à Girouette: Il n'y a, dit le tribunal, ni trouble à l'ordre publique, ni manquement à la salubrité publique. Surprenant.
Le Maire d'Anglet réagit.
Incompréhensible, déclare le Maire d'Anglet:
« C’est une décision incompréhensible ! Dorénavant, en France, on peut entrer par effraction sur des terrains de sport communaux, en détruisant barrières et portails, en intimidant des agents de la Police municipale, et donc y demeurer pendant quinze jours en toute impunité, au détriment des installations et des associations sportives… Que cherche donc la justice administrative avec ce type de décision ? Aujourd’hui, je doute… Le non-droit devient-il la norme ? »
« Il est urgent de revoir le dispositif légal relatif à l’accueil des gens du voyage. La loi du 5 juillet 2000, systématiquement contournée, devient de fait caduque et les élus locaux se trouvent abandonnés en rase campagne quand ils se battent pour normaliser la situation en créant des aires de grand passage. »
« Une fois de plus, il n’est pas question de stigmatiser les gens du voyage dans leur ensemble. En revanche, rien n’est fait pour que la situation ne s’envenime pas. »
La question posée par le Maire d'Anglet est pertinente. Si respecter la loi et créer des aires de grand passage, ne protège pas les communes d'occupations illicites, pourquoi alors les Maires se battraient-ils pour les imposer à leurs concitoyens? La moitié d'entre eux seulement a eu se courage; ont-ils eu tort?
Les gens du voyage objectent: l'aire de grand passage est insuffisante. Notre groupe rassemble 280 caravanes, l'aire de grand passage que vous avez prévue ne comporte que 200 places. Exact: L'aire de grand passage est dimensionnée en fonction de la taille de l'agglomération: elle est conforme aux textes en vigueur. Quand des touristes veulent réserver une chambre et qu'on leur explique que l'hotel est complet, ils vont ailleurs! Les capacités d'accueil ne sont pas extensibles mais dépendent des possibilités des collectivités. Si demain on prévoit un terrain pour 300 caravanes et qu'un groupe de 400 caravanes arrive, aura -t-il légitimité à s'installer illégalement sur des terrains privés?
Quand nous nous battions pour créer l'aire de grand passage, on nous expliquait souvent: "cela ne sert à rien, le Préfet ne fera pas respecter la loi et les occupations illicites perdureront". Nous affirmions au contraire que nous mettre en conformité avec la loi nous permettrait plus aisément de la faire respecter par les gens du voyage. Et de fait, le Préfet depuis deux ans nous a soutenu. Nous voulons croire encore qu'il existe une loi, la même pour tous, et que nous sommes plus forts si nous la respectons nous-même. Mais les tribunaux administratifs veulent-ils délibérément saboter nos efforts pour que cohabitent tranquillement les voyageurs et les sédentaires? Ils voudraient dresser les uns contre les autres qu'ils ne s'y prendraient pas autrement.
Les élus d'Anglet continuent dans ce contexte difficile à défendre une ligne républicaine: Refus de stygmatiser une communauté, respect scrupuleux de la loi par tous. Ils ne doutent pas que les angloys, par delà l'irritation légitime générée par la situation présente, sauront le comprendre.