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9 janvier 2015 5 09 /01 /janvier /2015 10:40
Ce que "je suis Charlie" veut dire.

L'émotion provoquée par l'assassinat de douze personnes dans les locaux de Charlie hebdo, dix-sept en comptant les victimes de Montrouge et Vincenne, n'est pas retombée. L'évênement est dramatique, Et la façon dont les français dans leur immense majorité réagissent nous rassure.

L'évênement tout d'abord: on a tué des journalistes et leur collaborateurs parce qu'ils avaient exprimé leurs idées, par le texte et le dessin. On a ainsi voulu tuer la liberté d'expression, donc la liberté tout simplement. On a aussi tué des représentants des forces de l'ordre chargés de leur sécurité. On a ainsi voulu tuer l'état de droit qui protège chaque citoyen. On a enfin executé de sang froid quatre personnes de confession juive dans un magasin casher, enfermant chacun dans ses origines au lieu de voir en lui un simple citoyen français. La conséquence de ce constat est simple, évident: Le fanatisme criminel doit être combattu car il menace gravement toutes les valeurs qui fondent notre société démocratique.

C'est parce que les français en sont convaincus qu'ils affirment collectivement, et avec une force magnifique, "nous sommes Charlie". Oui, nous sommes Charlie, je suis Charlie.

L'anti-cléricalisme "bête et méchant".

Mais j'entends certains affirmer qu'il faut adhérer à tous les combats de Charlie hebdo, à son positionnement militant contre les religions. Je ne peux les suivre sur ce terrain.

Cabu, l'auteur de la fameuse caricature représentant Mahomet se désolant qu' "il est dur d'être aimé par des cons", l'affirmait clairement dans une interview télévisé: Ce ne sont pas les croyants qui sont visés par Charlie mais les fanatiques. Certes. Mais il me semble que l'hypocrisie - parfois la perversité - généralement attribuées au clergé marquaient une opposition globale aux religions vécues comme une naïveté archaïque, une aliénation et une source de division. "Un caricaturiste ne peut pas être croyant" professait Wolinski.

La religion, récupérée par les pouvoirs établis pour en faire l' "opium du peuple" ? Historiquement c'est peu contestable. L'hypocrisie de certains clercs qui font en privé ce qu'ils dénoncent en public? nul ne l'ignore. Le Pape lui-même, si souvent brocardé par Charlie Hebdo, l'a récemment dénoncé en termes très durs. Et on sait bien la perversité maladive de certains clercs.

Mais aujourd'hui, est-ce encore le principal danger qui menace notre société laïque au point d'en faire le thème privilégié de la une? Les grandes idéologies athées du XXème siècle n'ont-elles pas égalé dans l'horreur les massacres perpétués au nom du Christ ou de Allah? Le danger ce n'est pas la religion, ni l'idéologie - il faut bien à chacun une grille de lecture du monde, et celle de Charlie hebdo en est une parmi d'autres - mais le fanatisme, sous toutes ses formes. On ne peut juger une religion ou une philosophie aux faiblesses trop humaines de ses représentants, à fortiori à l'aune des extrémismes qui viennent la pervertir. On l'a compris, j'aurais préféré en ce domaine que Charlie Hebdo soit un peu moins "bête et méchant".

Ce désaccord avec Charlie hebdo sur sa vision de la société ne change rien au nécessaire soutien que nous devons marquer à l'organe de presse, et à ses collaborateurs. Si nous soutenons Charlie hebdo, si nous sommes aussi profondément touchés par le drame qu'il traverse, ce n'est pas parce que nous adhérons à toutes ses idées, mais parce qu'on a touché de la pire des manières à un droit fondamental, la liberté de penser, et à son corollaire la liberté de la presse. "Je ne partage pas vos idées mais je me battrai pour que vous puissiez les exprimer" écrivait Voltaire. Je réagirais, nous réagirions tous, de la même manière si le Figaro ou Libération étaient les victimes. Je n'apprécie pas du tout la ligne politique du Figaro, le parisianisme bobo de Libé m'insupporte; mais ils sont l'un et l'autre indispensables au débat démocratique, comme tous les autres organes de presse. Je n'achetais pas Charlie hebdo, son anti-cléricalisme primaire m'énervait. Je l'achèterai désormais pour l'aider à franchir ce cap difficile, pour que les assassins n'aient pas réussi à le faire taire.

Bayonne est Charlie

La mobilisation des français va bien plus loin que la seule dénonciation des crimes de quelques fous de Dieu. Elle dépasse l'émotion provoquée par la mort absurde de dix-sept personnes. Elle affirme la volonté de vivre ensemble dans la République. Elle martèle que notre diversité est richesse pourvu qu'elle s'inscrive dans le débat démocratique. A Bayonne ce samedi nous étions dix mille, vingt mille, peut-être plus encore. Dans la foule des anonymes on croisait des élus, des chefs d'entreprise, l'évèque de Bayonne, des représentants de la communauté musulmane… et même le sous-préfet ! Question : Comment Charlie Hebdo rendra-t-il compte de la présence « des autorités civiles et religieuses » dans un cortège qui lui rendait un hommage vibrant, à lui l'iconoclaste, qui fait profession de ne respecter aucun des pouvoirs établis? Comment transformera-t-il en éclat de rire cet extraordinaire moment d'émotion ? Réponse mercredi, et nous serons nombreux à la lire!

Notre peuple pouvait sembler blasé, démobilisé, sans perspective ni horizon. Il vient de montrer à la face du monde sa vitalité, sa volonté de vivre rassemblé, son refus des obscurantismes. Les assassins voulait tuer la liberté de la presse en massacrant Charlie Hebdo. Ils ont au contraire permis aux français de dire leur amour de la liberté et leur attachement à la République. Vous aviez tout faux, messieurs les assassins.

Merci Charlie.

Bayonne le 10 janvier. 20 000 personnes, chiffre avancé par les manifestants et  la préfecture, pour une fois d'accord!

Bayonne le 10 janvier. 20 000 personnes, chiffre avancé par les manifestants et la préfecture, pour une fois d'accord!

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commentaires

R
Merci pour ce point de vue que je partage entièrement. L.
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  • : Le blog de Jean-Pierre Voisin
  • : Jean-Pierre Voisin, adjoint au maire d'Anglet de 2008 à 2014 en charge de l'urbanisme, livre ici son point de vue sur les dossiers locaux et dialogue avec les angloys. Ses propos n'engagent que lui-même.
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